Un seul d’entre eux sourit ouvertement. On dirait le cosmonaute d’une mission Apollo. Son premier saut ? Une autre, moineau pâle sous cheveux statiques, hésite entre deux âges. Mojito ou verre de lait ?
Leurs compagnons ont les regards de ceux qui voient ce qu’on ne voit pas d’ordinaire, ou alors sur Youtube : courbure azimutée du globe terrestre, panse écrue de l’avion vu du dessous, couleurs criardes de leur accastillage de métal et de nylon martyrisées par le vent. Tous viennent de poser le pied sur le sol. Ils ont chuté de 4000 mètres et nargué 2 millions d’années d’évolution ayant convaincu homo erectus de se garder des précipices. Pour l’homme de base, la chute, c’est juste ce mouvement réflexe qui, parfois, annonce le sommeil et fait comme une petite mort. Ils sont tranquilles, l’œil sec, enturbannés dans leurs voiles comme des sportifs avec le drapeau de leur pays pour un tour de stade. Un peu planants, un peu martiaux, zadistes des airs sous endorphines. Résolus sans revendications. Il y a un instant, ils tombaient vers le sol comme des pierres. Juste avant que leur grande toile leur sauve la vie.
Bertrand Richard